Début

Collectif Kourtrajmé : l'école de cinéma gratuite a fait sa rentrée le 16 novembre

Paris - Publié le dimanche 18 novembre 2018 à 17 h 44 - n° 263775

Dix aspirants cinéastes ont fait leur rentrée vendredi 16 novembre dans l’école gratuite créée au cœur de quartiers déshérités de Seine-Saint-Denis par le collectif Kourtrajmé (Satellifax du 3 octobre) qui ambitionne de leur ouvrir les portes du cinéma.

Parmi eux, Bilel Chikri, 31 ans, qui reprend le chemin de l’école quinze ans après l’avoir quitté sans diplôme. Il vient d’intégrer la première promotion de l’école Kourtrajmé, du nom du collectif fondé en 1995 par une poignée d’amis d’enfance (Kim Chapiron, Romain Gavras…) qui rêvaient de faire des films après la brèche ouverte par La Haine de Mathieu Kassovitz.
Deux fois nommé aux Césars en 2018, dans les catégories documentaire et court métrage, membre du collectif depuis 1996, le cinéaste  Ladj Ly rêvait d’ouvrir une école de cinéma dans le quartier où il a grandi et vit toujours. Vœu exaucé : pour sa première année, l’école est accueillie dans les « Ateliers Médicis », inaugurés cet été par l’Etat à une vingtaine de kilomètres de Paris, à cheval entre Clichy-sous-Bois et Montfermeil.    

Un lieu « symboliquement fort », souligne le réalisateur. Ces villes furent le point de départ des violences urbaines de 2005 déclenchées par la mort de deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, dans un transformateur électrique. « J’étais un émeutier, j’en suis fier ! », dit aujourd’hui Bilel Chikri. Grâce au collectif qui a montré que « des mecs comme moi » pouvaient faire du cinéma, il en est convaincu : « On a notre petite touche à apporter. » 

L’école est ouverte à tous les profils, quelles que soient leurs origines géographiques. Mais à chaque session, deux places sur dix sont réservées à des habitants de Clichy-Montfermeil. Pour « rendre la monnaie » à ce territoire qui accueille les tournages du collectif depuis vingt ans, explique Ladj Ly, qui monte actuellement la version long métrage de son film sélectionné aux Césars, Les Misérables.   

10 élèves formés à l’écriture, 20 à la réalisation et postproduction

Lors d’une conférence de presse vendredi, au côté du maire de Montfermeil, Xavier Lemoine (parti chrétien-démocrate), le maire de Clichy, Olivier Klein (PS), a rappelé qu’ils étaient « attachés à ce que ces villes changent leur image et deviennent des lieux de création et de formation ».

Habituel pour les habitants, le trajet de plus d’une heure entre Paris et Clichy a dissuadé quelques candidats.   Pas Louise Garcia, 25 ans : « Je serais prête à faire cinq heures par jour s’il le fallait ! » Dans sa famille « modeste », on considère que se lancer dans le cinéma est « un luxe ». Alors cette formation gratuite est une aubaine. Objectif affiché : accueillir sans condition de diplôme des personnes « en décrochage », « surmotivées », qui n’ont pas fait d’école de cinéma.

Les dix premiers élèves n’ont pas tous un profil de décrocheurs. De 20 à 38 ans, vivant à Paris et en banlieue, ils ont été sélectionnés parmi mille candidats pour une session de trois mois consacrée à l’écriture. Vingt autres élèves seront formés en 2019 à la réalisation et la postproduction. La brièveté sera « compensée par l’intensité et l’encadrement », estime le responsable pédagogique, Thomas Gayrard.    

En quête de subventions, Ladj Ly espère proposer par la suite une formation diplômante de neuf mois, et développer d’autres écoles en Ile-de-France et en Afrique.
Le benjamin de la promotion, Bandjougou Coulibaly vient, comme lui, de la cité des Bosquets de Montfermeil. Il a découvert les métiers du cinéma en figurant dans son film Les Misérables.  Il veut maintenant écrire un scénario basé sur l’histoire de son frère aîné incarcéré depuis 2010 pour une affaire de meurtre. Sans cette école, dit-il, « j’aurais jamais pu imaginer faire du cinéma ».

© D.R.
© D.R.
Fin
loader mask
1