Plateaux de tournage : pression foncière et développement des backlots au cœur des enjeux
Paris - Publié le vendredi 18 mai 2018 à 15 h 29 - n° 257713« Le temps est mûr pour bâtir une vision sur les moyens que nous voulons avoir pour nos plateaux et pour l’évolution de la production », déclare Raphaël Keller, directeur de l’innovation, de la vidéo et des industries techniques du CNC, lors de la table ronde « L’offre française des plateaux de tournage » organisée à Cannes jeudi 17 mai.
Dans cette optique, Éric Garandeau, ancien président du CNC, a récemment pris en charge deux études sur les studios de Bry-sur-Marne et de la Victorine (Nice) avec pour objectif d’établir « une cartographie des studios français et un benchmark des homologues européens ». Il envisage de mettre en place un « grand plan public de mise à niveau des studios pour attirer des partenaires financiers européens ».
Les studios, un effet structurant sur la filière
Tous les intervenants de cette table ronde ont loué l’effet de levier structurant d’un studio et sa capacité à fédérer un ensemble de prestataires (menuisiers, tapissiers, costumiers). Cette structure est toutefois fragile. Avec la délocalisation, il y a eu un éparpillement du savoir-faire, souligne Laurent Blois, délégué général du Spiac, la CGT.
Pour la plupart des films, le studio est avant tout une base d’appui logistique et technique nécessaire à la fabrication du film. « 60 % des films utilisent la structure d’un studio sans même y tourner », indique le chef décorateur Bertrand Seitz. Didier Diaz, président de la Ficam et dg de Transpalux, abonde en ce sens en insistant sur l’offre de stockage apportée par un studio à une production.
Le crédit d’impôt international a par ailleurs rendu plus attractive l’offre des studios. « Nous n’avons plus à partir dans les pays de l’Est. L’économie est désormais de 1 million d’euros pour un budget de 15 M€ », indique Christine de Jekel, productrice pour Moana Films.
179 plateaux de tournage en France mais peu de surface disponible pour les productions ad’hoc
Le CNC recense 59 studios couverts regroupant 179 plateaux pour une superficie globale de 100 000 m². Ces chiffres conséquents sont à nuancer notamment sur la disponibilité de ces studios. En effet, 78 % de la surface disponible en France est rattachée à une production particulière. C’est le cas des plateaux de Marseille pour Plus belle la vie (Newen) et ceux de Sète pour Demain nous appartient (Telfrance). « Cela permet aux studios d’avoir une garantie de chiffre d’affaires », souligne Raphaël Keller. Par ailleurs, l’utilisation des studios par les films français reste limitée. En 2017, 23 longs métrages d’initiative français ont utilisé des studios, soit 13 % des films produits cette année. Ces films, au devis très important (13,3 M€ en moyenne) tournent en général 13 jours dans ces studios. « Il manque des grandes surfaces en France. Il faudrait optimiser les relations avec les Régions pour davantage tourner en dehors de l’Ile-de-France », souligne Christine de Jekel.
Une pression foncière importante
Laurent Blois le souligne : « Il y a une tension immobilière pour les studios de tournage. Le prix du foncier est tel dans certaines régions que le cinéma devient une activité annexe. » Les studios historiques de Bry-sur-Marne sont confrontés à cette pression. « Le foncier a été multiplié par cinq en dix ans. Notre combat est d’empêcher la construction de logements sur ces 12 hectares », indique Jean-Pierre Spilbauer, maire de la ville, qui appelle à une mobilisation des pouvoirs publics sur le sujet.
Vers un développement des backlots en France
Six backlots, plateaux de tournage en plein air, existent en France. Ces structures doivent faire face à une concurrence rude en Europe (Cinecittà en Italie, Babelsberg en Allemagne…). « Une offre plus conséquente pourrait contribuer à l’attractivité de notre territoire pour l’accueil de productions étrangères. Avec la pression foncière et la difficulté de tourner dans les villes, cette offre va devenir très attractive », indique Bertrand Seitz.
Ce développement des backlots pourrait avoir lieu en Essonne où la société publique locale Air 217 gère une ancienne base aérienne de 300 hectares. Ce site a accueilli le tournage du long métrage L’Empereur de Paris, produit par Mandarin. La collectivité envisage d’aller au-delà de ce premier essai et est en négociations avec des potentiels partenaires.
[Retrouvez dans la version enrichie de l’article, un premier état des lieux des plateaux de tournage en France]
Répartition des plateaux de tournage en France selon leur superficie
Répartition des plateaux de tournage en France selon leur superficie
Répartition des studios suivant leur activité en nombre et en surface
Répartition des studios suivant leur activité en nombre et en surface
Source(s) : CNC-Ficam
Les six backlots en France
Localisation | Groupe | Entité | Taille | Etat | Exemple de tournage |
Aubervilliers | Canal Pix | Little Grand Studio | 1 000 m² | Constructible | Huit femmes |
Bry-sur-Marne | Transpastudios | Studio de Bry | 3 800 m² | Construit | Versailles |
Aubervilliers | Groupe Image | Studios d'Aubervilliers | 6 000 m² | Constructible | Arsène Lupin |
Martigues | Provence Studios | Provence Studios | 22 000 m² | Constructible | Taxi 5 |
Laucourt | Studios Lamy | Studios Lamy | 5 000 m² | Construit | Skin of the Night (court métrage) |
Le Plessis-Pâté | TSF | Plateau Cœur d'Essonne | 20 ha | Constructible | L'Empereur de Paris |